Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
~***Julz***~
Archives
10 juillet 2004

Mon histoire... besoin d'exorciser

Avec un peu de recul, je me dis que cela faisait longtemps qu'il était prévu que je sombre dans l'anorexie au premier obstacle émotionnel qui allait se mettre en travers de mon heureux chemin de vie... Le tic tac de l'horloge se montrait fatalement menaçant, ce n'était qu'une question de temps.

J'ai des flashs. Vers l'âge de 10 ans, je suis tombée gravement malade et j'ai naturellement perdu du poids. Les mots de ma mère résonnent encore dans mon esprit : "tu as beaucoup maigri... bon ce n'est pas plus mal...". Un autre flash, plus loin dans le temps, à la plage, deux petites filles toutes maigrelettes que je ne cessais d'admirer se sont plantées devant moi et se sont mises à rire : "regarde la grosse". Et moi qui était une passionnée de danse... pourquoi éprouvais-je tant de honte, de la honte à être un petit peu enrobée, bonne vivante, pourquoi pensais-je, aussi loin que je puisse me souvenir, que c'était ridicule de manger car je n'étais qu'un tas de gras. Pourquoi quelques mots de travers ont résonné à travers les ans jusqu'ici... j'étais vulnérable. Cette souffrance réelle a néanmoins pu rester secrète, enterrée, resortie de temps à autres, puis réenterrée sitôt pour continuer ma vie heureuse, cocoonée.

Ma famille ? complexe, c'est un bien faible mot. Deux parents diamétralement opposés, et moi un pion sur l'échiquier de leurs discordes. Aussi loin que je me souvienne, j'étais constamment raliée à l'un ou l'autre, en bien ou en mal.

Matheuse ayant un sale caractère comme son père, artistique et bordélique comme sa mère. Comme si chacun mettait en avant le défaut que j'avais hérité de l'autre pour mettre en échec la reine du camp adverse. <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" />

Et je me souviens d'une configuration familiale maman/les enfants contre un papa autoritaire. Je me souviens de la culpabilité que j'éprouvais parfois à lutter contre mon père qui restait de marbre, incorruptible, j'avais de la peine car je savais que dans le fond, il devait en souffrir, ressentir de la solitude de son côté de l'échiquier... 
Depuis toujours, j'avais voulu un chat... pas un simple caprice, mon rêve le plus cher. Les années avaient passé et mon père ne fléchissait absolument pas : non c'était non. Un "non" qui lui paraissait évident, nul besoin d'en parler avec ma mère pour prendre sa décision. Et ma mère se sentait un peu dépourvue devant cette dureté. "Moi je veux bien, mais ton père ne veut pas..."

Mes parents ne trouvaient pas même de terrain d'entente au sujet des enfants : chacun prônait un mode d'éducation différent. J'aimais la douceur de ma mère, sa dévotion totale, son amour généreux. Que de souvenirs d'enfance et d'adolescence heureux ! 
A la sortie d'école, les interminables moments de jeux avec Adrien, Cindy et Jimmy au square en bas de chez nous, on semblait ne jamais être à court d'imagination : s'inventer des histoires, des jeux, des mondes et des merveilles... les goûters sucrés, les sorties du mercredi, les activités culturelles, la danse, la musique... Toujours là pour nous, pour nous accompagner à l'école, nous rechercher, préparer un déjeuner que les enfants aiment tout particulièrement à bonne dose de pané ou de frit, nous emmener au conservatoire. Elle m'encourageait de son regard fier de maman qui applaudit sa fille en tutu lors du gala de fin d'année.
Je dois avouer que mon père a manqué à tout ça. A l'essentiel donc... Cela lui demandait un effort colossal de se déplacer un dimanche par an pour un gala, il se tenait tout juste au courant de nos activités "la danse c'est bien, mais c'est l'école qui est importante, j'espère bien que tu comptes pas être danseuse...", cet air de vérité absolue m'obligeait à ranger ma fierté et mes rêves secrets de tutus et de pointes "non non...". 

Quand mes parents se disputaient, le caractère destructeur de mon père provoquait souvent les larmes de ma mère. Et combien étais-je peinée pour elle... je me souviens d'un petit journal intime dans lequel j'écrivais de temps en temps, je ne l'ai pas relu depuis bien longtemps, il est toujours chez ma mère dans mon ancienne chambre, mais la page dont je me souviens le plus est celle que j'ai remplie d'une écriture et d'un style illisibles, espérant que personne ne pourrait comprendre : "elle pleure". J'avais besoin d'expimer ma souffrance, je ne pouvais en parler à personne... 

Cependant, même si tout cela permettait à mes futures névroses de se tramer, j'étais... heureuse
Ou relativement.  

Le soir du 3 juillet 1999, je profitais de la douceur de ce début d'été sur la terrasse avec mon père. On discutait de tout et de rien, puis il me dit : "mais quoiqu'il arrive, ne t'inquiète pas, j'ai placé de l'argent sur un compte à ton nom pour tes études...". Cela a évidemment provoqué ma stupeur, mais pourquoi se sentait-il obligé de me dire cela ? Je n'étais pas inquiète... devais-je l'être ?
Le lendemain, je prenais tranquillement mon bol de céréales devant la télé, c'était un dimanche. Ma mère était sortie, sans doute au marché avec son amie Jaqueline. Mon père se préparait à aller faire son traditionnel jogging puis il s'est installé sur le canapé face à moi. Ses paroles sont restées floues dans mes souvenirs, mais j'entends encore :"je crois qu'il faut que je parte". On venait de me foudroyer. "Non...non...", les seuls mots que je trouvais à répondre. Les larmes ont empli mes yeux, je me sentais amorphe, incapable de réagir ; mon père m'a supplié de ne pas pleurer et m'a pris dans ses bras. J'ai pleuré, pleuré... et pour la première fois de ma vie, je lui ai dit "je t'aime". C'était comme un aveu que je lui faisais après toutes ces années, un aveu lourd et sincère devant cet intense moment d'émotion et de douleur. Les yeux contre son épaule, j'ai compris qu'il pleurait aussi, "Adrien et toi vous êtes tout ce que j'ai de plus précieux au monde...". C'était comme si ces simples paroles avaient rattrapé l'absence dont il avait fait preuve durant notre enfance, comme si on ne pouvait être on ne peut plus clair, je n'avais plus besoin de preuve de son amour.
Je l'ai regardé, j'ai vu ses larmes sur les lentilles de ses lunettes, et lui portait la tâche de mascara noir sur son tshirt blanc. C'était comme un "échange"... Quand il est parti faire son footing, j'ai tenté de finir mon bol de céréales ramolies, mais elles avaient le goût amer de mes larmes, et mon souffle encore hâletant de pleurs m'empêchait d'avaler la moindre cuillèrée. J'ai jeté le contenu du bol à la poubelle puis me suis décidée à prendre un bain pour me calmer, et accessoirement rester enfermée pour éviter que ma mère ne soit au courant de ce qui s'était passé. Assise dans l'eau, les larmes avaient recommencé de couler, désespérément je recherchais le ou la coupable. C'était tombé sur Jaqueline.
Jaqueline était une voisine d'une bonne cinquantaine d'années adepte des centres d'UV, des mini-jupes et du parler pied-noir. Elle était divorcée et incarnait pour moi la rebellion de ma mère...
Tiens, quelques heures plus tard, au retour de ma mère et de mon père, nous avons déjeuné ensemble à table. Surprenant !! J'étais face à mon père, ma mère a fait remarquer la tâche noire sur le tshirt de mon père, on s'est lancé un regard quelque peu complice, mais dont on se seraient passés.
Le 6 juillet, il se trouvait que c'était leur anniversaire de mariage. Jamais je ne pensais que ce serait une occasion à fêter, alors quelle a été ma surprise et mon incompréhension de les voir chacun une flûte de Champagne à la main, avec leurs masques de joie...
Puis je me suis souvenue d'un après-midi où ma mère et moi étions parties nous promener au lac. Il faisait beau et nous nous étions mises à une terrasse de café. Quelques jours auparavant, j'avais trouvé chez moi des magazines d'annonces immobilières, et persuadée qu'ils étaient là car mes parents poursuivaient leur recherche de la maison familiale dont on avait tous rêvée depuis quelques années, je me suis mise à les feuilleter. Bizarrement, c'est à la page appartements 2 pièces que j'ai retrouvé les croix rouges de mon père. Ce jour-là au bord du lac, j'ai abordé le sujet de l'achat de maison et ai demandé si naïvement à ma mère : "mais papa... il cherche à investir dans un appartement c'est ça ?...". D'un coup, ma mère s'est mise à sourire d'un air cachotier que j'allais lui reprocher si fort : "euh... je ne sais pas ce qu'il veut faire, ton père...". Ca s'était arrêté là.
En ce début de juillet 1999, j'ai enfin pu mettre bout à bout les éléments qui semblaient incohérents. Et j'ai commencé à en vouloir de plus en plus à ma mère. Comme tous les enfants, j'était profondément blessée de ces rumeurs de séparation et de divorce ; j'avais aussi l'impression d'être prise pour une idiote. Naïve j'étais, mais idiote je ne voulais pas.

Pendant ma scolarité, j'ai d'abord eu tant de facilités que je n'ai eu aucun échec à essuyer. Mais l'entrée au lycée a quelque peu changé cela : un établissement élitiste que j'avais "voulu vouloir" ou que j'avais "joué à vouloir". Mes débuts en secondes m'ont vue diviser mes notes par deux, et pourtant je travaillais tant... Moi, Julia, comment étais-je passée de 18 en maths à 9.5 ? c'était insupportable. Je me mettais une pression telle que, arrivée aux vacances de Noël, j'étais physiquement et psychologiquement épuisée. Cet hiver, nous avions prévu de faire un voyage à Miami, les vacances de rêve en plein hiver ! mais ce que j'en retiendrai surtout seront les malaises et les crises d'allergie psychosomatiques. Pendant le vol, je me souviens avoir souffert de douleurs si intenses à l'estomac que je retenais mes larmes ; puis le premier matin, nous étions descendus prendre notre petit déjeuner quand j'ai été prise du voile sur les yeux, du bourdonnement d'oreilles. Ma mère m'a emmené à l'extérieur pour prendre l'air, mais tout ce dont je me souviens est l'air atrocément humide et irrespirable de la Floride, le ciel bleu que je ne voyais plus que gris tâché de blanc, elle m'a étendue sur un transat le temps que ça passe... Restés dans le restaurant, mon père et mon frère, alors âgé d'une dizaine d'années, commençaient tranquillement leur petit déjeuner. Maman s'occupait de moi, donc tout allait bien. Un autre malaise m'avait pris à Cap Canaveral... je ne sais pas si c'est très intéressant, mais voilà... j'étais donc épuisée.
Au milieu de l'année scolaire, j'ai eu le déclic de la nouvelle technique de travail, celle qui payait au lycée dans lequel j'étais, et ayant grandement retrouvé confiance en moi, mes notes sont redevenues dignes de celle qui signait ses copies "Julia S... 2de TSA". Dans cet établissement, on effectuait une sélection en première et terminale, il y avait ce qu'on appelait les classes étoiles, l'élite dans l'élite. Ma mère était persuadée que j'en ferais partie. Je lui en voulais de penser cela, j'avais envie de rétorquer : "non, je ne suis pas parfaite, je ne suis pas la meilleure, je ne réussis pas tout ce que je fais, et je ne serai pas en classe étoile." Elle ne me prenait jamais au sérieux quand je disais cela. Si, j'étais la meilleure, meilleure que la fille de monsieur et madame X ou Y, juste un peu trop exigeante avec moi-même à ses yeux. Et non, je n'ai pas été prise en classe étoile. Oui, j'étais déçue car j'espèrais tout en sachant que ça n'allait pas être le cas... mais au moins je venais de prouver que je n'étais pas la meilleure, pas si autonome que cela, et que peut-être que j'avais besoin d'aide des fois...
Mais cet épisode n'a pas empêché ma mère de tirer de nouveau des plans sur la comète lors de mon bac. Elle faisait la sourde oreille quand je disais que je n'aurais pas la mention TB. Je visais "bien", voilà qui était peut-être à ma portée. Maman, dans la vie il y a des gens plus doués que moi !!! Le jour des résultats, ma mère et mon frère étaient déjà en vacances en Ecosse chez mes grands-parents. Je leur ai téléphoné pour annoncer la nouvelle, j'ai entendu ma mère transmettre l'information à la petite famille atroupée autour d'elle pour le verdict :"no, she didn't get very good... but she got good...". Non, je ne suis pas TB, je suis B. Il y a des gens meilleurs que moi qui eux ont TB. Mais moi non.
Quoiqu'il en soit, je sais qu'elle était quand-même fière. Et tout le monde d'ailleurs. Elle m'avait laissé une petite boîte cachée dans un placard du salon : une jolie parure en or.

En 2000, plus rien n'allait chez moi. Je faisais l'outrage fatal à ma mère : choisir la voie d'études de mon père. Maths-sup, c'était un point pour papa. Selon elle, je m'étais laissée manipuler, et ça n'était pas fait pour moi. Peut-être avait-elle raison sur le second point. 

Petit à petit, la vie familiale mourrait. Ma mère était de plus en plus absente, sans doute comprenait-elle qu'elle avait sacrifié une bonne partie de sa vie de femme pour ses enfants qui n'auraient pas éternellement besoin de tant de soins de leur maman, car oui, nous grandissions... Sa nouvelle vie, son travail, ses nouveaux amis, je n'en savais pas grand chose. De son côté, mon père était toujours autant absorbé et stressé par son travail, peut-être un peu trop obnubilé par son compte en banque. Repas à quatre ? j'avais oublié que c'était possible, peut-être justement était-ce devenu impossible.

Mes parents étaient en phase de divorce, difficile pour la jeune fille naïve et rêveuse que j'étais, me voilà rattrapée par le matérialisme, la manipulation, la paranoïa... tout ce que je voulais c'était continuer ce petit chemin de vie dans l'insouciance, dans le bonheur de me lever chaque matin pour retrouver mes passions de tous les jours, mes premières amours... et crash.

Je me retrouve brusquement emmèlée dans ce divorce.

Un soir, comme à l'habitude qui s'était installée, mon père se retrouvait seul à pas d'heure pour dîner dans la cuisine tandis que ma mère était devant la télé du salon ou au téléphone. Ce soir-là, je l'ai rejoint et me suis assise à table en face de lui. On a parlé, mais je ne me souviens même plus de quoi... de ma mère et de son changement d'attitude certes, mais je ne sais plus ce que nous disions. En tout cas c'était secret. On parlait à voix basse, penchés l'un et l'autre au dessus de la table. D'un coup, ma mère a fait irruption dans la cuisine, et comme deux enfants pris en flagrant délit de complotage de farce, on a sursauté. Ma mère nous a lancé un regard noir... elle est ressortie de la cuisine en refermant soigneusement la porte derrière elle comme pour dire qu'elle nous laissait à nos bassesses. Mon père et moi nous sommes regardés angoissés, il reprenait son discours là où il s'était arrêté mais inquiète je l'ai interrompu, je pressentais la présence de ma mère de l'autre côté de cette porte refermée. D'un coup, je l'ai ouverte et ai trouvé ma mère l'oreille contre la porte. Elle est entrée comme une furie, me poussant, hurlant. J'ai eu peur. Physiquement. J'avais l'impression qu'elle avait perdu la raison et qu'elle serait capable d'user du couteau. Je tremblais. "Je t'ai porté neuf mois dans mon ventre... comme peux-tu me faiore ça ?..." m'a-t-elle dit entre autres... Mon père essayait de la calmer mais rien n'y faisait, elle continuait de déverser sa violence sur moi, incapable de réagir à mon tour. La scène m'a paru démesurée, démente, interminable.
Puis elle a chaussé les premières chaussures qu'elle a trouvé, pris ses clefs. En pleures, elle m'a hurlé à la figure "ton père, ton père, tu sais il m'a obligée à avorter... deux fois... tu aurais deux petits frères ou soeurs s'il ne m'avait pas obligée, moi je voulais les garder... et ton père non...". ... "Puisque c'est comme ça je n'ai plus qu'à me tuer en voiture" a-t-elle conclu en claquant la porte. J'avais encore plus peur... voulait-elle se suicider ?... mon coeur n'en pouvait plus... Heureusement elle est rentrée un peu plus tard, sans un mot.  

J'ai fait l'erreur de prendre parti, c'était mon côté impulsif sous l'effet de la colère que j'avais contre X, contre le destin ?... et mon côté fier m'a obligé d'aller jusqu'au bout de mon opinion : il fallait que je parte de chez ma mère pour lui montrer combien j'étais furieuse.

Je me souviens vaguement d’un soir de cette fin d’été 2000, après être rentrés de vacances à 3 (avec mon père et mon frère) qui m’avaient permis d’oublier les tensions familiales et d’espèrer qu’en rentrant les choses iraient mieux… j’ai vu mon père mettre ses affaires de toilette et son costume de travail pour le lendemain dans une valisette : « il faut que j’aille passer la nuit à l’hôtel… ». Je me suis enfermée dans ma chambre. Je ne contrôlais rien, absolument rien. J’avais sous les yeux le déchirement de ma famille et je n’y pouvais rien… trop de colère. Je crois que mon frère avait fait pareil dans sa chambre. Au bout d’une bonne heure, ma mère est venue nous chercher tous les deux, elle voulait qu’on vienne s’asseoir avec elle au salon. La télé était allumée, alors j’ai fixé l’écran. Personne ne disait rien.

Quelques jours plus tard, mon père déménageait dans son nouvel appartement. Tellement pressé qu’il ne s’est pas inquièté du fait que tout ce qu’il avait à ce moment était un lit, pas de canapé, pas de table, pas de chaise… rien d’autre.

La rentrée m’a permis de me focaliser sur « la » chose importante : ma prépa math-sup. Tant de travail et de stress que je n’avais pas une seconde pour souffrir de mes déboires familiaux. Et puis il y avait ce gars dans ma classe, ça a été le coup de foudre réciproque mais rien ne se passait… j’étais à la fois sur mon petit nuage d’étincelles et de petits cœurs, de palpitations qd il était à côté… même si tout cela allait me faire souffrir, j’en garde un souvenir ému.  
Je bossais comme une folle pour me maintenir à un niveau correct dans ma prépa. Un soir, j’étais au bord des larmes tant je voyais les feuilles doubles s’amoncer devant moi, à connaître sur le bout des doigts pour la khôle du lendemain. L’heure passait… je savais que la nuit allait être courte. Ma mère est rentrée de je-ne-sais-où, elle a lancé un regard par dessus mon épaule : « oh je suis bien contente de pas avoir à faire ça, moi… ». Encourageant… je me sentais complètement incomprise, je manquais de compassion, de réconfort.

J’avais prévu de profiter des vacances de Noël pour déménager. Par la force des choses, c’est la journée du 24 que j’ai fait mes cartons… Je sais que ma mère était profondément blessée. A Noël en plus…
C’était notre premier Noël Papa/Maman séparés : on a fait le réveillon chez maman et le 25 chez papa…
C’est en rentrant de notre semaine de ski à 3 que j’allais définitivement partir de chez ma mère. Je n’avais pas conscience que toute décision pouvait être nuancée… que je pouvais revenir de temps en temps… devant cette rigidité dans mon esprit, j’ai énormément pleuré en partant. C’était dur…

La première semaine chez papa… il partait déjà en voyage d’affaires ! Il s’est passé des choses curieuses : un soir j’ai cru sentir dans mon ventre une espèce de « boule » et je me suis persuadée que j’avais peut-être une tumeur… j’ai sauté sur le téléphone, en sueur, grelottante, et là ma mère m’a rassurée. Une autre fois, en rentrant de cours, la nuit tombait, j’avais l’impression qu’on m’espionnait, je tourne la tête et c’était en fait un arbre que je voyais.

Je ne m'étais jamais sentie aussi seule. Comme une petite fille qui n'osait plus appeler sa maman au secours. Trop fière pour ça. C'est comme si j'avais perdu ma mère et mon frère.

Il me fallait quelque chose pour tenir ; petit à petit, je me suis mise à vouloir combler ce vide émotionnel par la nourriture. Je ne trouvais aucune autre source de douceur. Les mois passaient, me lever me paraissait chaque matin de plus en plus difficile et évidemment, les kilos s'accumulaient de façon alarmante. J'ai finalement accepté de consulter mon médecin qui m'a de suite préscrit la fameuse pilule du bonheur. Un peu décevant, car non je n'ai pas retrouvé le bonheur.

Le processus ne cessait d'avancer... inexorablement...

En 2001, j'ai rencontré Dominique. J'étais de passage chez ma mère quand l'interphone a sonné, elle, toute électrique est venue m'annoncer qu'elle avait "un ami" qui arrivait. Puis à chaque fois que je venais voir ma mère, il était là, toujours présenté comme un simple ami. Quand j'ai enfin pu être seule avec ma mère, j'ai pris mon courage à deux mains pour lui dire : "dis il vient souvent te voir Dominique, vous vous entendez bien ?". Ma mère était soulagée par tant de sous-entendus, pas besoin de dire des mots trop concrêts comme "relation" ou "petit ami", comme l'on verse un seau d'eau, elle a déversé son plein de sentiments d'adoration envers lui, combien il était gentil et attentionné...
Dominique, serviable et attentionné, c'était évident. Il proposait toujours de l'aide, montrait plein d'intérêt envers chacun d'entre nous, semblait connaître tant de choses, si cultivé et si intéressant.
Mais un jour, en allant rendre visite à ma mère, mon frère m'a ouvert la porte sur l'entrée de l'appartement rempli de cartons. J'en rirais presque devant tant de naïveté de ma part : "vous faîtes du rangement ?" ; Adrien m'a pressée de rentrer, et m'a emmenée dans sa chambre "viens, faut que je te parle...". Dominique s'installait. Sciée, tombée des nues. Pourquoi ? parce que j'avais été trop stupide pour me douter de ce qui était en train de se passer ? parce que ma mère n'avait pas jugé utile de m'en parler d'avantage ? ou qu'elle n'en avait pas eu le courage ?
Je suis passée de la gratitude que j'avais envers cette homme pour l'épanouissement qu'il permettait à ma mère à la violente colère dont je ne savais expliquer clairement la cause.
Mais il est clair que je me suis sentie purement exclue. Ils voulaient former un cocon, sans moi, je n'avais plus le droit à ma place, il  m'avait pris ma place, je ne la méritais pas suite à tout le mal que j'avais fait à ma mère, suite à mon départ, suite à mon choix favorisant mon père... Telle était ma pensée.

 

En 2002, un déclic : j'ai voulu arrêter de prendre du poids, et surtout maigrir. L'euphorie. Pas longtemps... Quelques mois plus tard j'avais une bonne vingtaine de kilos en moins, et une bonne dose de tristesse en prime : maigrir ne réglait pas mes soucis. Pourtant il fallait continuer... une voix, je ne sais trop laquelle, me promettait mondes et merveilles "quand je serais maigre"... cette pression psychologique se présentait comme temporaire, arrivée à un certain but j'allais enfin être tranquille et avoir le privilège qu'ont ces filles que j'avais toujours enviées, être minces et manger. 

A l'été 2003, j'étais chétive, osseuse, visage creusé et triste. 200kcal par jour c'était encore trop. Je gelais en plein été. Je me mouvais telle un zombi dans un monde parallèle, qui n'entendait plus tout à fait quand on lui parlait. J'étais en équilibre sur un fil, je prenais un malin plaisir à regarder le vide pour me donner le vertige, voir la mort sans vraiment la toucher, quoique...

Prise de conscience : je décide de me réalimenter. Pourtant je continue à perdre du poids. Prise entre une "bonne conscience" et la culpabilité de trop manger, je me mets à l'exercice physique à outrance, jusqu'aux larmes. 

Un matin de novembre 2003, alors que cela faisait plusieurs mois que je me réveillais systématiquement à 4h, je me suis trouvée dans l'impuissance d'aller en cours. Puis tous les matins suivant. Qu'est ce qui m'arrive ?? je ne sais pas ce qui va pas, mais ça va pas. 

J'avais commencé à voir un hypnothérapeute qui a mis en évidence une terrible angoisse face à la nourriture. "Vous avez une légère tendance anorexique je pense..." et moi de répondre : "mais non, je mange !..."

je n'ai pas pu nier le diagnostique très longtemps. Je ne pensais qu'à avoir faim, à manger, à dépenser mes calories, à me peser 30 à 40 fois par jour, à perdre encore et toujours : cela me prouvait que j'existais, cela me permettais d'appeler au secours sans avoir à mettre des mots dessus. Un cadavre dans la famille, forcément on comprendrait ma détresse.

La vie perdait tout son sens, il n'y avait que la mort qui en avait, le sens de la souffrance. Pendant ma période noire, je me souviens avoir fait de terribles bêtises. J'ai voulu en finir plusieurs fois, dont une où j'ai vraiment frolé le pire. A force de flirter avec la faucheuse, je me suis prise au jeu, et quand j'avais envie de m'échapper, j'avalais quelques cachets sachant que je me réveillerais après un profond sommeil, mais j'aimais me dire que peut-être... 

En Janvier 2004, j’avais rendez-vous avec docteur C. un psychiatre spécialisé en anorexie conseillé à mon père par une collègue. Une adresse à Paris 16ème…

 

Publicité
Commentaires
J
Bonjour Cécilou,<br /> <br /> A l'heure qu'il est tu es bien loin, comme qui dirait en vacances... :o)<br /> <br /> Je te remercie tout plein pour ta carte, mon dieu, que c'est doux de recevoir autre chose dans sa boîte aux lettres que des factures ! lol<br /> Tu es adorable...<br /> J'ai envie de répéter tout ce que j'ai dit dans mon mail, c'est tellement... !!!! tu sembles déborder de vie, et tu fais partie des personnes qui me sont aussi très chères, qui d'ailleurs, sans se rendre compte, m'ouvrent les yeux...<br /> Merci... :'o)
C
Voilà, je suis nulle en blog, j'y vais rarement, mais en voyant ton message sur doci, je m'suis dit : mais c'est vrai qu'elle a un blog ma Juny (la fille qui débarque, lol !)<br /> Ben me voilà larmoyeuse, larmoyante.... tu m'avais raconté un peu ton histoire, mais là, je ressents la profondeur de la douleur et tout ce qui a pu motiver tes tca.<br /> J'espère de tout coeur que tout va aller de mieux en mieux pour toi : tu es précieuse à mes yeux (pas que pour moi d'ailleurs !), Julia, fais gaffe à toi....
J
Id' pour toi Mawie...<br /> Je t'aime. *soupiiiiiiiiiiiiir*
M
Ma Juny, je suis tellement bouleversée par ce que je viens de lire, çà serait dérisoire de tapoter un message de soutien éculé et bradé aux 4 vents... <br /> <br /> "A chaud" (ton texte est un vrai barbecue !!! Et hop, les cendres d'une famille unie dans une urne funéraire, basta, nous on cuistouille nos brochettes de bonheur !), tout ce qui me vient, c'est qu'aujourd'hui tu as trouvé un lieu d'immunité, impartial, tu n'es plus ce frêle oisillon catapulté entre 2 nids :o)<br /> <br /> La vie vient tout juste de commencer, la TIENNE, et pas besoin d'être une Cassandre pour prédire qu'elle sera fabuleuse ! <br /> <br /> Je t'aime à la folie ma Juny, tu sais, à virevolter entre deux bâtisses cahotantes, tu as trouvé la bonne solution, en choisir une troisième, comme celle du groin-groin des 3 petits cochons. La maison qui résiste au souffle du grand méchant loup :o)
~***Julz***~
Publicité
~***Julz***~
Derniers commentaires
Publicité